Face à une architecture x86 qui se rapproche des limites de la loi de Moore, OpenPower ouvre des perspectives techniques prometteuses mais soulève d’autres questions.

En août 2013, Google, IBM, Mellanox, NVIDIA et Tyan annoncent la création d’un consortium de développement dans le domaine des data centers. IBM ouvrait sa technologie Power au développement libre et marque un tournant dans cette industrie. Ce consortium vise à développer des technologies avancées dans le domaine des serveurs, des réseaux, des cartes graphiques et du stockage pour les data centers de prochaine génération.

Quelques mois plus tard, l’OpenPower Foundation annonce sa feuille de route et les premiers résultats concrets. IBM annonçait notamment une nouvelle gamme de serveurs basés sur le nouveau processeur Power8, une tranche de silicium de 6,45 cm², avec plus de 4 milliards de transistors reliés entre eux par plus de 17 kms de connexions haute vitesse en cuivre.

A cette occasion, IBM annonçait la disponibilité d’Ubuntu Server de Canonical qui s’ajoute à celle des distributions Linux de Red Hat et de Suse et de l’outil de virtualisation KVM et au système OpenStack.
Lors de la conférence Open Innovation Summit, la fondation OpenPower a révélé les premiers détails sur les « white box » serveurs, incluant un concept de développement de Tyan, et un firmware développé par IBM, Google et Canonical. Le stack logiciel OpenPower inclus dans ce design doit permettre de faciliter l’implémentation de déploiements hybrides. Google a présenté également son premier concept de système Power white box pour explorer les capacités de l’architecture Power.

IBM a, quant à lui, indiqué qu’il déploiera des systèmes OpenPower dans Softlayer plus tard cette année. NVIDIA présentait la première implémentation d’accélération GPU avec technologie Power ainsi que le premier GPU accelerator framework for Java, avec des premiers résultats montrant une amélioration de performance x8 sur les applications Hadoop Analytics tandis que Micron, Samsung Electronics et SK Hynix memory affichaient leur engagement à supporter la foundation OpenPower par la fourniture de composants mémoire et stockage.Parmi les innovations apportées avec OpenPower, l’interface CAPI (Coherent Accelerator Processor Interface) qui offre un accès au mémoire DRAM à des processeurs hétérogènes. CAPI est similaire à l’architecture HSM (Hybrid System Architecture d’AMD). Les partenaires d’IBM de l’OpenPower Foundation ont utilisé l’interface CAPI pour connecter différents accélérateurs et systèmes de stockage avec des résultats impressionnants.

Quelques annonces significatives

En mars dernier, la centaine de membres que comprend la fondation OpenPower organisait sa première conférence OpenPower Summit à San Jose, au cœur de la Silicon Valley et procédait à quelques annonces significatives (Premières annonces pour la Fondation OpenPower).

Au-delà de la question de savoir pourquoi IBM a attendu aussi longtemps pour lancer cette initiative (les premiers processeurs Power ont été dévoilés il y a plus de vingt ans), quelles sont les chances de cette architecture de s’imposer et de reprendre des parts de marché à l’architecture x86 ? Pour le cabinet de conseil Robert Frances Group (Why OpenPowerTakes Marketshare from x86), IBM a réussi à attirer des membres de renom pour une bonne raison : l’architecture x86 et le business model construit autour semble avoir atteint ses limites : plus de performances, moins cher.

Evidemment, la position d’Intel est plus qu’enviable avec 95 % de la livraison en unités et 70 % des dépenses de serveurs. Mais cette situation pourrait être amenée à changer dans la mesure où selon RFG la performance par cœur de processeur Intel ne s’améliore plus et où le ratio prix/performance des serveurs Intel a des difficultés à rester sur la courbe suivant la loi de Moore. L’architecture Power supporte l’orientation little endian (1) ce qui facilite considérablement la migration des applications développées en environnement x86. Par exemple, Canonical a pu porter des milliers d’applications x86 sur OpenPower en quelques mois. Cette reconquête pourrait s’initier dans le domaine du HPC (High Performance Computing) où Intel a aujourd’hui une très large domination. Mais aussi dans les data centers et les architectures cloud. Si des membres aussi éminents que Google et Rackspace commencent à implémenter l’architecture OpenPower, cela pourrait constituer un signal important. Ensuite, IBM doit encourager les partenaires à fabriquer des serveurs dans la zone de prix inférieurs à 6000 dollars pour atteindre de nouveaux clients.

Quelques inquiétudes

Cette initiative OpenPower a posé récemment quelques inquiétudes aux autorités américaines et chinoises (IBM venture with China Stirs Concerns). Côté américain, il s’agit de gains économiques à court terme pouvant amener à des problèmes politiques et commerciaux à long terme. « Les gens sont en colère avec ce qui peut apparaître comme une compromission avec les chinois » considère James Lewis, analyste du Think Tank Center for Strategic and International Studies. Il est vrai que le marché chinois est désormais plus que stratégique. Au dernier trimestre, il représente une part importante (qu’IBM ne détaille pas) des 4,9 milliards de dollars de chiffre d’affaires réalisé en Asie. Et côté chinois, ce libre accès à la technologie américaine ne constitue-t-il pas une sorte de Cheval de Troie ?

[1] En informatique, certaines données telles que les nombres entiers peuvent être représentées sur plusieurs octets. L’ordre dans lequel ces octets sont organisés en mémoire ou dans une communication est appelé endianness.


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