Après plusieurs années d’efforts pour retrouver la formule du succès, le e-commerçant a dépassé les 20% de croissance sur l’exercice 2013-2014 et il est bien parti pour atteindre son objectif de 500 M€ en 2018. Entretien avec son PDG Laurent de la Clergerie.


Channelnews : Après des années de stagnation, LDLC a renoué avec la croissance depuis quatre ans. L’accélération a été particulièrement remarquable l’année dernière avec une progression de 17,5% du chiffre d’affaires, à 207,8 M€. Et elle a été encore plus soutenue sur les neuf premiers mois de l’exercice (clos fin mars) puisqu’elle a atteint 22%. Un rythme en ligne avec votre objectif de 255 M€ de facturations sur l’exercice. Comment expliquez-vous cette accélération sur un marché en stagnation voire en déclin ?

Laurent de La Clergerie : Je dirais que c’est lié au lancement de notre nouveau site en septembre 2012 et au recrutement de notre directeur général délégué Philippe Sauze. Le site n’avait pas évolué depuis 2001. La nouvelle version lui a redonné du souffle. Il donne une image plus moderne de la société. Quant à Philippe Sauze, il est connu – il a dirigé un an l’Olympique Lyonnais – et c’est un communicant. Il nous a fait sortir de notre bulle. Il faut bien le reconnaître, en dehors des milieux spécialisés, personne ne nous connaissait. Même pas sur Lyon, où nous avons pourtant notre siège social depuis l’origine. Par ailleurs, nous n’avons pas souffert de la baisse du marché du PC – nos ventes continuent de progresser – car nous n’adressions pas le marché du PC à 300 € qu’a tué la tablette. Au contraire, cette évolution nous a profité car désormais nous savons vendre de la tablette à 300 €.

Qu’est ce qui a changé avec l’arrivée de Philippe Sauze ?

Laurent de La Clergerie : Désormais, nous avons une personne en interne dont le rôle est de rédiger des communiqués de presse et d’aller décrocher des interviews. Et ça tombe bien car on a des choses à raconter. Le retour à la croissance nous aide bien. Le lancement de notre franchise a aussi été un très bon sujet de communication. Mais au-delà de l’expertise de Philippe Sauze en communication traditionnelle, nous avons continué à développer notre notoriété sur le Web. On a par exemple compris avant les autres l’intérêt de créer et d’animer notre communauté Facebook. Avec 834.000 fans, on est désormais devant La Fnac (780.000 fans), C-Discount (830.000 fans) et loin devant Rue du Commerce (260.000 fans).

Quel est l’objectif de cette démarche ?

Laurent de La Clergerie : Facebook nous permet de communiquer constamment et gratuitement auprès d’un large échantillon de consommateurs. Tous ne sont pas clients mais ils pourront le devenir et influencent d’autres personnes. On estime que chaque membre de la communauté touche environ trois autres personnes. Nous essayons d’être plus fun que commerciaux dans notre approche. Nous aimons bien mettre en avant les adeptes du cosplay, nous organisons des concours et nous proposons aussi régulièrement des promotions… D’une manière générale, ldlc.com passe pour une boîte sympa.

… Et pro : vous avez été élu meilleur site en qualité de service par les lecteurs de Que Choisir l’année dernière. Devant Amazon. Une distinction exceptionnelle !

Laurent de La Clergerie : La qualité de service, c’est le pilier de Ldlc.com. C’est ce qui justifie nos tarifs 2% à 3% supérieurs aux autres sites (fondement de notre rentabilité). Etre devant Amazon, c’est notre objectif constant. À cette fin, nous gérons tout en interne. Et nous cherchons en permanence à nous améliorer. En 2013, par exemple nous avons introduit le « bon de retour gratuit » en cas de panne. Et nous venons de lancer « l’échange anticipé » : nous envoyons le produit de remplacement avant de recevoir le produit en panne. En vertu de quoi, nous devrions atteindre les 10 M€ de résultat opérationnel prévus sur l’exercice 2013-2014.

Vous venez d’ouvrir votre première franchise à Bourgoin-Jalieu, une ville de 26.000 habitants située à 40km de Lyon et 70 km de Grenoble. C’est assez inattendu comme emplacement. Ne prenez-vous pas un risque en vous implantant à l’écart des grands centres urbains ? 

Laurent de La Clergerie : En effet, avec une zone de chalandise de 80.000 personnes (zone 3), la ville ne faisait pas partie de nos sites prioritaires. C’est le franchisé qui nous a vendu la ville. Et nous avons suivi car notre magasin test de Villefranche-sur-Saône, qui se trouve dans une zone de chalandise de taille comparable, est en passe, à notre grande surprise, d’atteindre le seuil de rentabilité dès sa première année d’existence. Apparemment, nous prenons des clients aux multispécialistes de type Fnac, Boulanger ou Darty, qui s’avèrent les véritables concurrents de nos franchises. De fait, la surface de vente de nos magasins (150 m2) correspond peu ou prou à celle des rayons micro de La Fnac.

En imaginant votre concept de franchise quel a été votre modèle ? Aviez-vous les Apple Store ou les Vaio Center en tête par exemple ?

Laurent de La Clergerie : Pas du tout. Je me suis plutôt inspiré de l’esprit Decathlon. Je voudrais que les consommateurs associent informatique à Ldlc comme ils associent sport à Decathlon. Ldlc.com est aujourd’hui reconnu dans les composants informatiques et, comme Decathlon, on commence à construire des produits à notre marque.

Votre première franchise a ouvert le 12 mars. Mais vous aviez annoncé quatre ouvertures sur l’exercice en cours. Pensez-vous que vous allez tenir votre objectif de 40 franchisés à l’horizon 2017-2018 ?

Laurent de La Clergerie : Nous avons pris six mois de retard mais je suis confiant dans le fait qu’on aura nos 40 franchisés en mars 2018. Je ne vois aucune raison de ne pas y être compte tenu du nombre de candidats. Nous devrions avoir rattrapé notre retard d’ici à la fin de l’exercice avec six ou sept nouvelles ouvertures attendues.

Pourquoi ce retard de six mois ?

Laurent de La Clergerie : C’est un nouveau métier pour nous. On a été un peu optimiste sur les délais. C’est la rédaction du cahier de transmission du savoir-faire qui a pris du temps. Un magasin informatique ne se gère pas comme une crêperie. Il faut arriver à transmettre toute la qualité propre à l’enseigne en quelques semaines de formation (un mois). Il a aussi fallu adapter nos processus internes. Par exemple, nous ne facturions pas nos magasins à la livraison et nous n’avions pas de procédure de retour spécifique.

Y a-t-il déjà des aspects qui ont évolué dans le concept initial depuis l’ouverture de votre magasin test de Villefranche-sur-Saône ?

Laurent de La Clergerie : Oui. Nous avions par exemple imaginé des points encaissement, SAV et retrait séparés. À l’épreuve de la réalité, cela s’est rapidement transformé en un comptoir unique d’encaissement-SAV-retrait pour faire en sorte qu’il y ait toujours une personne disponible en rayon.

Pensez-vous tenir votre objectif de 255 M€ de chiffre d’affaires pour l’exercice clos le 31 mars et comment se présente l’exercice 2014-2015 ?

Laurent de La Clergerie : L’objectif de 255 M€ sera tenu et je suis très optimiste pour 2014. On est sur une dynamique ultra-positive. La croissance que l’on enregistre depuis le début de l’exercice, c’est tous les jours qu’on la voit. Nous avons un modèle résilient. Les concurrents, en faisant le choix de la diversification, nous laissent un boulevard. Nous incarnons désormais le dernier des spécialistes. Je ne vois pas ce qui pourrait impacter défavorablement notre croissance dorénavant.